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Sur la photo de gauche à droite : Hoa Moindrot ( Secrétaire en Charge de la communication), Robin de Mari (Militant LFI), Joseph-Antoine Luccioni (Elu "Avvene Ghjustu è Resiliente"à l'Assemblea di a Giuventù ), Jean-Alain Tarelli (Président du groupe "Ghjuventù di u Centru Drittu" à l'Assemblea di Giuventù), Kevin Rocchetti (Militant "Jeunes Horizons" en Corse). + Marc-Antoine Leroy (Coordinateur de la "Ghjuventù Cumunista Corsa Pumonte" en Corse du Sud)

 

Par Hoa Moindrot

Publié le 19/03/2022

Samedi 19 Février 2022, après quelques jours passés à accorder nos agendas, je vais enfin rencontrer Jean-Alain, Robin, Joseph-Antoine, Kevin et Marc-Antoine. Nous nous sommes retrouvés autour d’un petit déjeuner, dans un café prisé des Ajacciens, juste en face de la Préfecture de Corse. Ils ne sont âgés que de 20 à 28 ans mais leurs expériences politiques les précèdent. Il faut dire que depuis leur plus jeune âge, ils n’ont pas chômé : fascinés depuis longtemps par la politique nationale et insulaire, ils ont décidé très tôt qu'ils s’engageraient eux aussi pour leur territoire. A travers cet entretien, nous nous faisons les porte-parole de cette jeunesse insulaire qui s'investit.

LES JEUNES ET LA POLITIQUE

 

En sociologie, on parle d’un "engagement timbre" versus un "engagement post-it". Autrefois, on s’engageait pour une seule cause qui nous suivait toute une vie… Mais aujourd’hui, les plus jeunes s’engagent sur plusieurs sujets. Pensez-vous que les jeunes sont plus versatiles dans les causes qu'ils défendent ?

MARC-ANTOINE LEROY - Ce terme « d’engagement timbre » est très intéressant, car c’est une référence directe aux timbres que les militants d’un parti politique collaient autrefois sur leurs cartes d’adhérents pour montrer qu’ils étaient à jour de cotisations. L’adhésion à un parti ne veut pas dire pour autant lutter pour une seule et même cause. Si on prend l’exemple du Mouvement Jeunes Communistes de France auquel j’appartiens, son rôle premier a toujours été le dépassement du capitalisme et la mise en place du socialisme réel, mais il s’est illustré en menant des combats internationalistes comme ceux pour la libération d’Angela Davis dans les années 1970 puis pour celle de Mandela tout au long des années 90. Aujourd’hui au sein du MJCF, en parallèle de notre combat pour le progrès social en France, nous militons pour une paix juste et durable en Palestine et pour la libération de Marwan Barghouti… Cependant je pense que les médias jouent aussi un rôle important dans cette multiplicité des engagements et dans le fait qu’une partie de la jeunesse enchaîne les combats.

Aujourd’hui les médias et les réseaux sociaux nous poussent à nous indigner... contre les lois anti-IVG en Pologne ou au Texas, pour la protection de l’Amazonie, contre les violences policières (Georges Floyd, Adama Traoré...), pour la défense des homosexuels en Tchétchènie ou des Ouïghours en Chine. Néanmoins après quelques mois, les médias ne traitent plus ces sujets ô combien importants... et beaucoup de jeunes peuvent alors avoir la sensation trompeuse que le problème a été résolu puisque la télévision ou Twitter n’en parlent plus alors que la réalité est tout autre. Nous vivons dans la culture de l'instant…

 

KEVIN ROCCHETTI - Il y a une sectorisation de la vie politique chez les jeunes, avant on s’engageait par idéologie avec un clivage gauche/droite et maintenant on s’engage pour une seule cause qui regroupe plusieurs idéologies : que ce soit le climat ou les violences faites aux femmes. Je pense que nous allons vers une conception politique selon différents thèmes sociétaux (le pouvoir d’achat, les violences policières, l’identité nationale, etc...) Mais un jeune va de moins en moins s’engager au sein d’un parti et se fixer idéologiquement, il va avoir une construction politique qui va davantage se faire par une cause à laquelle il est attaché qu’au sein d’un mouvement politique qui a plutôt une idéologie arrêtée… Il y a une nouvelle manière de faire de la politique, mais pas une dépolitisation. 

Pensez-vous qu'il y a une continuité entre les positions politiques des parents et celles des jeunes ?

 

JOSEPH ANTOINE LUCCIONI – Mon père fait de la politique et dans la famille nous sommes trois enfants, ma sœur ainée est membre du parti Les Républicains, ma sœur cadette est référente En Marche pour la Corse et je suis à gauche. Je ne pense pas qu’il y ait une véritable sphère d’influence car on aurait la même vision politique que notre père ou ma mère. Quand on est jeune et qu’on s’intéresse à la vie politique, on peut se forger sa propre opinion.

As-tu le sentiment que les jeunes rejettent de plus en plus le système institutionnel, que ce soit l’État ou les partis politiques vers lesquels on avait l'habitude de se tourner ?

 

ROBIN DE MARI – Chez les jeunes, je pense qu’il y a une volonté de changer l’institution car il y a cette impression qui fait que ça ne fonctionne pas. Il y a un manque de participation directe des citoyens sur des décisions politiques ce qui peut mettre en doute la légitimité de certaines institutions. Les jeunes sont conscients que nous sommes acteurs du monde de demain ; pour cela ils veulent être acteurs de leurs décisions. 

 

On sait que 87% des 18-24 ans ne se sont pas rendus aux urnes au premier tour des élections régionales (Ipsos) en juin dernier. Comment faire alors pour les inciter à voter alors qu'ils estiment se reconnaître dans aucun parti ?

 

MARC-ANTOINE LEROY - il faut évidemment que les partis politiques s'engagent à nouveau dans l’éducation populaire. Les jeunes de 2022 ne sont pas plus stupides que ceux de 2012 ou même que ceux de 1992... ils ont simplement l’impression d’être les victimes d’une politique qui fait d’eux des sous-citoyens, des variantes « sacrifiables » ... On est dans une époque où l’on préfère affaiblir l’éducation nationale et payer plusieurs millions à des cabinets de conseils privés plutôt que d’investir massivement dans l’éducation nationale afin de soutenir les enseignants et les élèves. Quand de plus en plus de politiques expliquent qu’il faut que jeunesse se passe en oubliant qu’il faudrait surtout que jeunesse se fasse... Comment veut-on que les jeunes aillent aux urnes ? Je n’ai pas de solution miracle et je crois qu’il n’en existe pas... la meilleure chose à faire selon moi c’est de discuter, d’aller au contact de cette jeunesse pour comprendre son mal-être.

LES JEUNES ET L’EUROPE

 

En tant que jeune citoyen français as-tu le sentiment d'être également citoyen européen ?

 

JOSEPH ANTOINE LUCCIONI – En tant que jeune citoyen français je me sens avant tout Corse. Il est difficile de se sentir européen car l'Union européenne est avant tout un système économique, mais il est vrai que depuis la crise du Covid-19 et la guerre en Ukraine, une fierté européenne renaît.

KEVIN ROCCHETTI – Etre européen selon moi, c’est bien plus qu’un simple sentiment, c’est une manière de voir le monde et d’appréhender mon rapport aux autres de manière universaliste. Je me sens européen dans tout ce que je suis et dans tout ce que je pense. Je suis européen quand je bois un simple café en terrasse, mais aussi lorsque je relis les pensées de Marc Aurèle. Je suis européen lorsque je vois le drapeau flanqué des étoiles d’Or, tout comme je le suis lorsque je regarde la magnificence de la basilique Saint Pierre à Rome. De plus, je me sens aussi profondément et irrémédiablement Corse et l’histoire de la Corse est consubstantielle à l’histoire européenne. Alors oui, à titre personnel, je me sens tout à la fois citoyen corse, français, européen et même, citoyen du monde !

 

JEAN ALAIN TARELLI – Oui, c'est intimement lié, il y a une citoyenneté européenne.

La France est au cœur de l'Europe.  L'Europe est, avant tout, le vieux continent avec une civilisation en partage et des racines chrétiennes aussi. Être européen, c'est aussi avoir un héritage avec une certaine histoire. 

 

ROBIN DE MARI - Tout dépend de là où on se trouve. Face à un Bastiais, je suis Ajaccien. Face à un Breton, je suis Corse. Face à un Espagnol, je suis Français et enfin, face à un Américain, je suis à la fois Français et Européen.

L'Europe est une réalité géographique et nous avons une longue histoire commune même si ce n'est pas la seule, je suis par exemple également méditerranéen. Maintenant sur l'aspect politique de l'Europe et donc plutôt l'UE, être citoyen européen parce qu'on élit des représentants à un parlement européen qui n'a presque aucun pouvoir, cela représente une citoyenneté somme toute assez limitée. De toute façon, en ce qui me concerne, ce sont les intérêts du genre humain qui priment et donc que je défends.

 

MARC ANTOINE LEROY - Non pas vraiment. En tant que communiste je suis profondément internationaliste, je suis pour la fraternité entre les peuples, mais je n’ai pas vraiment l’impression que l’Union Européenne le permette. Contrairement à certains je n’ai pas un rejet profond ou viscéral de l’UE, mais elle n’évoque rien ou peu de chose pour moi. Je me sens Corse, car j'ai grandi et baigné dans la culture corse depuis mon enfance, Français parce que son histoire, notamment la Révolution française, la Commune de Paris, le Front Populaire, sont des sources d'inspirations pour moi, mais j'ai du mal à trouver de quoi me rattacher à l'UE. 

 

Que vous inspire l’Union Européenne ?

 

KEVIN ROCCHETTI – Un espace de sécurité et de protection, de libre circulation, de libre pensée … L’Union Européenne est un moyen d’être ensemble, reliée par une culture commune.

 

JEAN ALAIN TARELLI – Un rejet généralisé pour les jeunes passionnés ou non par la politique qui souhaitent une révision du fonctionnement en profondeur. En revanche, pour la partie jeune qui réussit, l'Europe est une possibilité d'élargir les horizons et une opportunité de carrière. C'était plus facile d'évoquer l'Europe avec des personnes âgées qu'avec des jeunes. Et plus les aînés sont âgés, plus ça se vérifie. En 75 ans (entre 1870 et 1945), il y a eu trois guerres dont deux mondiales sur le sol européen, avec ce que cela implique d'impacts négatifs sur l'économie, le sanitaire, le commerce, l'approvisionnement, la mortalité. Le centre du monde a changé de continent lorsque l'Europe s'est entretuée à l'issue de ces 75 ans de guerre. 

Il va falloir faire preuve de pédagogie pour expliquer aux plus jeunes. Il y a, quand même, des leviers d'envergure parmi lesquels Erasmus qui en est le meilleur exemple pour les étudiants. Il y a aussi le fait de disposer d'une monnaie unique, de l'absence de frontières internes, des avantages en matière d'agriculture aussi.

 

JOSEPH-ANTOINE LUCCIONI – L'Union Européenne est un marché économique ultra-libéral dans lequel il y a des choses à reformer. Mais avec la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, on a une Europe unie face aux enjeux sociaux et militaires. 

 

ROBIN DE MARI - Parlez à quelqu'un qui a assisté à la construction européenne et vous entendrez probablement que l'Europe c'est la paix. Moi, mes premiers souvenirs de l'UE politiquement, c'est le référendum de 2005 qui ensuite a été renié pour signer le traité de Lisbonne. La coopération entre les pays éloigne la guerre mais la réalité est cruelle. Il y a déjà eu au moins 2 guerres en Europe (ex-Yougoslavie et Ukraine) même si on peut argumenter que ce n'était pas des pays membres.

On parle également souvent d'Europe de la défense, le problème c'est que c'est en fait l'Europe de l'OTAN. Quand les pays membres doivent acheter des avions, ils ne se tournent pas vers la France qui est à la pointe mais plutôt vers les Etats-Unis (on l'a vu récemment avec l'Allemagne ou il y a un peu plus longtemps avec la Pologne).

De plus, c'est la coopération qui préserve la paix et de nos jours, l'UE c'est l'Europe de la concurrence et de l'impossibilité de faire de l'harmonisation sociale et fiscale. Cela pose un énorme problème et cela pourrait en être autrement. Mon Europe, c'est celle de l'entraide, pas celle de l'évasion fiscale et de la retraite à 65 ans.

 

MARC-ANTOINE LEROY - Si je devais définir l’Europe avec un seul mot ce serait “austérité”. Pour moi, en plus d’avoir brisé la souveraineté des États membres, l’Union Européenne a précipité certains pays comme la Grèce vers la banqueroute, je me souviens encore comment la souveraineté populaire des Grecs et l'espoir porté par Syriza et Tsipras ont été balayés au nom du sacro-saint profit.

Et au Portugal, en Italie ou en Espagne on est d'ailleurs passé très loin de ce scénario. L’UE devrait permettre aux Européens de vivre dignement et non pas se battre pour rembourser la  BCE... cette dernière devrait pouvoir prêter à taux 0 aux pays de l’Union Européenne, elle devrait favoriser un développement social, mais aujourd’hui elle tire vers toujours plus de libéralisme quite à vouloir détruire les particularités nationales, comme par exemple notre retraite à répartition héritée du Conseil National de la Résistance du travail commun des gaullistes et des communistes. On ne développe pas la fraternité entre les peuples en voulant une uniformisation bête et méchante, crasse, au service du capital.

Au début de la pandémie, l'UE a été critiquée pour son manque de coopération. Les États membres sont les principaux responsables des politiques de santé, mais devrait-on en faire davantage au niveau de l'Union européenne ?

 

KEVIN ROCCHETTI - La crise sanitaire que nous venons de traverser et que nous n’avons d’ailleurs, toujours pas fini de traverser, fut un véritable révélateur de nos forces, mais aussi de nos faiblesses collectives. Pour ma part, je n’aime pas tellement ceux qui se permettent de jouer les inspecteurs des "travaux finis", car on sait très bien qu’une fois une crise passée, on trouve toujours beaucoup de personnes très intelligentes pour dire exactement ce qu’il fallait faire à l’instant T… Mais tout de même, lorsque l’on prend un peu de recul sur les deux années que nous venons de traverser, on se rend compte que certaines situations n’auraient jamais dû avoir lieu… Je pense par exemple à la réquisition par la Pologne, des masques à destination de l’Italie… Mais au-delà de cette image peu flatteuse pour la concorde européenne, je me rappelle aussi le transfert de personnes hospitalisées, de la France vers l’Allemagne et je me rappelle surtout, malgré un retard au démarrage, qu’une fois les égoïsmes nationaux atténués, nous avons vu une Union Européenne qui a joué sa partition avec une véritable coordination, notamment dans la négociation, la commande et la livraison des vaccins.

Cette crise montre parfaitement la nécessité d’en faire d’avantage au niveau européen... D’aller plus loin dans la construction d’une Union Européenne en tant que véritable puissance politique et surtout d’aller plus loin dans l’avènement d’une véritable « Europe de la santé » afin que seule la santé des citoyens européens prévale et non pas les égoïsmes nationaux.

MARC ANTOINE LEROY - L'Europe a joué un rôle indirect dans la mauvaise gestion des états membres, en effet depuis plusieurs années la tendance au sein de l'UE est à l'austérité budgétaire, certains pays comme l'Espagne ou l'Italie, mais également la France à un niveau moindre ont été impactés par la volonté de l'Union Européenne de baisser le niveau des dépenses publiques. La faute est donc aux politiciens qui n'ont pas tenu tête face aux politiques budgétaires imposées par Bruxelles et à l'Union Européenne elle-même. Quand la première vague a touché l'Italie il est assez anormal de ne pas avoir vu une véritable solidarité européenne, au contraire chez certains il y a même eu un peu de mépris envers les Italiens. Cuba a envoyé une dizaine de médecins et d'infirmiers porter main forte aux Italiens, alors que l'UE ne s'est pas pressée pour mettre en place un plan de solidarité internationale en accord avec ses états membres. Cela a été très mal reçu par nos voisins italiens.

La pandémie a révélé l’inégalité entre les pays et les populations quant à la vaccination et la fabrication des vaccins. L’Afrique a été extrêmement défavorisée et lésée. Dans une interview publiée dans "Les Echos", la Commissaire Européenne Jutta Urpilainen en charge des Partenariats Internationaux affirme : « Nous souhaitons qu'en 2040, l'Afrique puisse produire 60 % des vaccins dont elle a besoin ». Est-ce que vous pensez que cet objectif est réalisable ? En quoi l’Union Européenne a-t-elle intérêt à investir massivement en Afrique ?

JEAN ALAIN TARELLI – Ce n'est possible qu'avec un soutien financier de l'Organisation Mondiale de la Santé (agence spécialisée de l'Organisation des Nations Unies) et des pays développés. L'Union Européenne y a intérêt pour éviter les migrations sanitaires alors que nous faisons déjà face à celles climatiques et économiques.  Les flux migratoires sont des enjeux du 21ème siècle.   

 

ROBIN DE MARI - Tout d'abord, il faut lever les brevets sur les vaccins ! On reçoit avant tout de l'argent public pour effectuer ces recherches mais une fois qu'on trouve, on garde tout pour soi quite à monter les prix en pleine pandémie, ce n'est pas acceptable. Quand on est dans un contexte aussi grave, il faut se donner les moyens d'agir et pour la production de vaccins, nous en avons besoin rapidement pour vacciner le plus de personnes le plus vite possible. Cela permettra l'immunité sur de vastes territoires quand cela est possible (pas pour le covid donc). Maintenant, tous les pays n'ont pas la capacité technique de produire des vaccins de pointe, dans ce cas, il faut aider au développement des infrastructures quand c'est possible. La science ira plus vite si plus de personnes la pratiquent.

 

La Commission a lancé à la fin de l'année dernière, l'initiative Global Gatewa, notre Belt and Road Initiative, qui prévoit des investissements totaux de 300 milliards d'euros. L’Europe a-t-elle raison d’adopter une vision expansionniste via ces différents investissements étrangers ? 

 

ROBIN DE MARI - Pardonnez-moi mais l'Europe a toujours été expansionniste et pas seulement économiquement. Les pays qui sont sous influence de notre impérialisme se tournent de plus en plus vers la Chine au niveau économique. Cela représente un grand terrain de jeu pour la Chine qui est en voie de se propulser en tant que première puissance mondiale. L'UE qui observe l'influence grandissante de la Russie puis de la Chine voit rouge. L'impérialisme, peu importe l'auteur, n'aide pas réellement au développement d'un pays. Il faut permettre à ces pays de s'émanciper politiquement et économiquement et cela se fait en accord avec leurs habitants. Quand on voit ce qui est arrivé au Mali, on ne peut que se questionner de la stratégie adoptée en Afrique.

 

KEVIN ROCCHETTI - Oui, l’Union européenne par le biais de sa Commission, a parfaitement raison d’adopter une vision expansionniste via ses différents investissements étrangers à destination de l’Afrique, car on voit bien avec l’intervention de la milice russe Wagner au Mali, ainsi que par les investissements chinois au sein de ce même continent, que des puissances ayant de véritables velléités empiriques sont prêtes à faire main basse sur ce magnifique continent. Ainsi, il faut que l’Europe joue, elle aussi, sa partition afin de calmer les ardeurs russes et chinoises. De plus, il faut que ce partenariat soit véritablement gagnant-gagnant afin que l’Afrique connaisse un développement économique plus que durable pour faire face aux défis de demain. A savoir notamment le sous-emploi, la lutte contre la corruption et le changement climatique.

 

 

LES JEUNES ET L’ÉCONOMIE NATIONALE

Emmanuel Macron a présenté son plan pour bâtir la France de 2030 et faire émerger les champions de demain. Objectif : investir 30 milliards d'euros sur cinq ans dans les technologies d'avenir comme l'hydrogène, les avions bas carbones ou les petits réacteurs nucléaires (EPR)

Est-ce que le plan France 2030 est à la hauteur des enjeux technologiques et environnementaux de notre siècle ?

 

JEAN ALAIN TARELLI - Dans le discours du Président, l'implication des collectivités territoriales fut abordée comme l'une des conditions sine qua none du succès de ce projet ambitieux, notamment en matière de politiques d'achats. Je pense que « France 2030 » est un outil crucial pour nos territoires et tout particulièrement pour la Corse car on fait le pari d’un modèle énergétique fiable et décarboné et on investit dans les nouvelles technologies notamment dans les transports.

 

MARC-ANTOINE LEROY - Le plan de Macron pour le climat c'est de la communication. Quand on sait qu'il a racheté les turbines qu'il avait vendu à ALSTOM quelques années auparavant... Nous pensons que la France sera à la hauteur des grands enjeux climatiques à la seule condition qu'elle défende un vrai pôle public de l'énergie, qu'elle soit maîtresse de ses productions énergétiques, il ne faut surtout pas qu'elle brade tout cela au privé ! Il faut développer un mix énergétique nucléaire / renouvelable, mais cela passe par un investissement public massif notamment pour terminer la centrale EPR de Flamanville. De plus, tous ces efforts ne pourront rien changer si nous ne changeons pas nous même notre façon de produire. Le "toujours plus" vendu par la société capitaliste arrive à ses limites, mais il y a une différence entre la privation, la "sobriété heureuse" vendue par Pierre Rabhi et la croissance à tout prix.

La dette publique devrait ainsi s'accroître de 560 milliards d'euros entre la fin 2019 et la fin 2022, pesant alors  environ 113% du PIB, la facture du Covid-19 s'élevant à elle seule à 140 milliards d'euros à ce jour, selon le ministère des Finances. La dette publique est-elle véritablement un problème alors que tous les pays se sont endettés durant la crise sanitaire ?

KEVIN ROCCHETTI - Ce n’est pas comme cela qu’il faut, à mon avis, poser la question. Si l’on parle de dette, hors-Covid, cela dépend tout d’abord de ce à quoi est dévolue cette dette. Il y a, pour parodier un célèbre sketch, une bonne et une mauvaise dette. Bien entendu c’est beaucoup plus complexe que cela, mais pour simplifier nous pouvons dire qu’une dette d’investissement est bien meilleure, voire nécessaire et qu’une dette de fonctionnement est en règle générale plutôt à éviter.

Cependant, si l’on se concentre uniquement sur la dette Covid, elle était pour ainsi dire inévitable. Sauf à avoir une crise de l’emploi et une explosion massive de la précarité. De plus, de manière plus prosaïque, nous avons eu la chance de pouvoir emprunter à des taux d’intérêts nuls ou négatifs !

Ensuite, comparaison n’est pas raison. La soutenabilité d’une dette ne se compare pas seulement à l’aune de la capacité budgétaire de tel ou tel État. En effet, tout dépend de la situation économique et budgétaire, initiale du pays.

Attention, cela ne veut pas dire que nous pouvons faire feu de tout bois en matière budgétaire …

D’ailleurs, quand l'ancien Premier Ministre  Édouard Philippe dit qu’il faut remettre de l’ordre dans les comptes, en tant que libéral, je suis à 100% d’accord avec ses dires. Nous avons vu avec l’exemple argentin que l’annulation d’une dette, non seulement ne règle pas le problème de la respiration financière du pays, mais de surcroit, entraîne une décrédibilisation massive au niveau international, créant de fait un remède bien pire que la maladie initiale.

Alors non, je ne pense pas que la dette publique contractée durant la crise sanitaire soit un problème massif pour les prochaines générations, en tout cas, les indicateurs économiques ne penchent pas en ce sens pour le moment. De plus, comme expliqué en amont, si l’on voulait éviter une crise encore plus profonde, nous n’avions pas le choix. Mais il s’agit tout de même de contenir cette dette, de ne pas la laisser s’envoler et, au-delà du plan de relance européen, de peut-être mettre sur la table la question de la mutualisation européenne de la dette Covid…

 

ROBIN DE MARI - On nous fait un chantage à la dette pour réduire les dépenses publiques et donc les services publics, les salaires des fonctionnaires ou encore les investissements. Si cette dette est trop haute, on nous dit que les prêteurs ne nous prêteront plus ou alors à des taux élevés.

Force est de constater que cela n'a rien changé et que les prêts ont rarement eu des intérêts aussi bas. De toute façon, aucun pays ne remboursera entièrement sa dette nationale. Il faut savoir que jamais, depuis la Première République, nous n'avons  remboursé une dette.

Le chiffre que l'on voit dans les médias correspond à la somme des dettes publiques divisée par le PIB (donc sur un an). Cela fait bien moins peur quand on sait que les dettes se contractent en général sur une durée de 7 ans et nous les remboursons à chaque fois...

En ce qui concerne la dette covid, elle est détenue par... nous ! En effet, la Banque Centrale Européenne détient la dette Covid des Etats de l'UE. On peut donc aisément l'effacer de l'ardoise sans rien voler à personne. Je dis cela, même des économistes parmi les plus libéraux font également ce constat. De plus, cette dette est illégitime dans le sens où l'investissement de l'Etat était nécessaire pour éviter une énorme crise économique et surtout cela a sauvé des vies. Il y a également d'autres dettes illégitimes dont on devrait se souvenir, il s'agit de celles contractées en 2008 pendant la crise financière pour renflouer les banques. 

Face à Jean-Luc Mélenchon, l'un des candidats à l'élection présidentielle, même des éditorialistes économiques comme Emmanuel Lechypre reconnaissent que s'endetter ne fait plus peur comme auparavant,  surtout quand il s'agit de faire de l'investissement. Pour rappel, c'était l'argument donné par les libéraux en 2017 pour dire que notre programme économique n'était pas réalisable, aujourd'hui il n'est est rien. L'investissement public, dans notre période économique, est très rentable puisqu'il apporte plus de recettes qu'il ne coûte de dépenses. De ce fait, plus aucun économiste n'ose dire qu'il faut se tenir aux 3% de déficit, fameuse règle d'or de l'UE.

Il faut donc en profiter pour faire les investissements nécessaires, par exemple, pour la bifurcation écologique.

 

« La dette publique n'est pas vouée à être remboursée. Elle peut même augmenter. Son annulation est possible, et peut-être même souhaitable. » (Baptiste Bridonneau, doctorant en économie à l'université Paris-Nanterre). Annuler la dette publique, pour ou contre ?

JEAN ALAIN TARELLI – Contre. L'éthique de responsabilité conduit à y être défavorable. Si on l'annule, on ouvre une brèche et on crée un précédent. Il y a aura toujours des élus par la suite qui voudront générer de l'endettement avec une perspective d'annulation. C'est la faillite du droit dans la foulée et la fracture au sein de l'Europe.

 

MARC-ANTOINE LEROY - Et pourquoi ne le ferait-on pas ? En 200 ans le capitalisme a enchaîné les crises : 1929, 1973, 2000, 2007 (pour ne citer que les plus médiatisées) et les États ont toujours renfloué les caisses des banques à grand coup d’argent public, avec notre argent, alors pourquoi ces mêmes banques ne pourraient pas à leur tour nous faire un chèque en blanc ? Aujourd’hui on a la preuve que les politiques d’austérité ne bénéficient qu’aux plus riches et qu’elles empêchent les États de se développer et de grandir. Un “reset” de la dette publique est tout à fait possible et souhaitable et de nombreux économistes se sont positionnés sur ça.

ASSEMBLEA DI A GIUVENTÙ

 

Quel a été le déclic pour te présenter à l'Assemblea di a Giuventù ?

 

JEAN ANTOINE LUCCIONI – Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours essayé de m’engager dans divers projets proposés par mon collège ou mon lycée. Je suis profondément convaincu que c’est en s’engagent qu’on arrive à changer les choses, j’ai décidé de me présenter à l’Assemblea di A Giuventù pour comprendre les différents projets engagés par nos politiques mais aussi ouvrir le débat démocratique sur des sujets sociaux et environnementaux, ce qui n’est pas véritablement le cas aujourd’hui. 

 

Contrairement à son instance de tutelle, l’Assemblea di A Giuventù est composée d’un groupe de gauche présidé par Lisandru Laban Giuliani; est-ce un soulagement de voir une représentation de tous les idéaux ou presque ?

 

MARC ANTOINE LEROY - Bien évidemment. Le débat démocratique et la diversité sont essentiels au sein d’une Assemblée. Depuis la disparition du groupe communiste à l’Assemblée de Corse en 2017, nombreux sont ceux, y compris au sein de la sphère nationaliste, à le déplorer car nous avions une forme d’autorité morale et nous étions force de proposition. J’espère que le groupe de gauche à l’Assemblea di A Giuventù pourra travailler efficacement et influencer les décisions des autres groupes en œuvrant pour le progrès et l’intérêt général.

 

 

VISION DE LA POLITIQUE INSULAIRE CHEZ LES JEUNES 

 

La jeunesse insulaire est-elle séduite par le nationalisme corse ?

 

JOSEPH-ANTOINE LUCCIONI – Aujourd‘hui si nous ne sommes pas nationalistes, certaines personnes refusent de discuter avec nous car on est catalogué "anti corse". Je ne me considère pas "anti corse", je parle ma langue, je connais ma culture mais d’un autre côté je pense que le nationalisme ce n’est pas un idéal. C’est se mettre d’accord sur trois sujets : le statut de résident, les prisonniers politiques et l’autonomie; certes ce sont des idées que je peux partager mais ça ne fait en rien un programme politique. Il faut savoir se poser les bonnes questions, qu’en est-il du pouvoir d’achat des ménages insulaires ?

 

Face à une bipolarité au sein de l'hémicycle avec d'un côté, des nationalistes divisés mais triomphants et de l'autre côté, une droite insulaire défaite mais plutôt rassérénée derrière Laurent Marcangeli, ne craint-on pas un manque de pluralisme politique notamment avec l’absence de la gauche ?

 

JEAN ALAIN TARELLI - Oui, il est clair que nous manquons, collectivement, de pluralisme politique. Avec presque 50% d'abstention aux dernières élections territoriales en juin 2021, il y a actuellement à l'Assemblée de Corse  4 groupes politiques dont 3 sont issus de la même famille, les nationalistes en l'occurrence. Cela génère un déséquilibre des forces politiques présentes sur l'île. De ce fait, la démocratie est affaiblie. Peut-être revoir le mode de scrutin ?

JOSEPH - ANTOINE LUCCIONI - Je regrette l'absence de la gauche mais il ne faut pas se démoraliser. La jeunesse insulaire de gauche doit aller sur le terrain, adopter un discours en prenant en compte les inquiétudes du peuple corse... Petit à petit, nous pourrons reconstruire une famille politique de gauche pour présenter un projet concret aux prochaines élections territoriales et regagner des sièges au sein de l'Assemblée de Corse.

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